Auxiliaires, le cœur invisible de la scène live

Au détour d'une répétition dans une salle obscure ou face à un public en sueur dans un festival, rares sont les musiciens qui n’ont pas entendu prononcer le fameux mot : "AUX". Les sorties auxiliaires – ou AUX – sur une table de mixage restent pourtant un sujet trop souvent nébuleux. Pourquoi est-ce que chaque musicien semble en vouloir une ? Comment les configure-t-on pour créer le parfait retour, lancer un effet ou connecter une enceinte supplémentaire sans désorganiser tout le mix ?

La gestion des AUX, bien que technique, se révèle être l’une des clés pour transformer une prestation correcte en expérience scénique réellement professionnelle. Chez les groupes de musique, c'est souvent ce paramètre qui conditionne confort, précision et cohérence du son sur scène.

Définition d’une sortie auxiliaire et anatomie des tables de mixage

La sortie auxiliaire, généralement abrégée en "AUX", désigne une sortie audio indépendante de la sortie principale (Master) sur une table de mixage. Chaque AUX permet de créer un sous-mix spécifique selon les besoins. Concrètement, sur la majorité des consoles analogiques et numériques utilisées par les groupes (Yamaha MG, Allen & Heath QU, Midas M32, etc.), on retrouve entre 2 et 16 sorties auxiliaires, et parfois bien plus sur les consoles numériques modernes.

Leur agencement varie :

  • Prise Jack 6,35 mm ou XLR selon la gamme
  • Indépendance de réglage pour chaque AUX sur chaque tranche d’entrée (potentiomètre dédié ou via écran tactile sur les numériques)
  • Affectation Pre ou Post Fader pour gérer le signal avant ou après le réglage de volume général de la tranche
  • Compatibilité effets ou retours

Sources : Sound on Sound, fiches techniques Yamaha, Allen & Heath.

Fonctions principales des AUX dans un groupe de musique

Leur grande flexibilité fait des sortiers AUX de véritables couteaux suisses. Voici leurs emplois majeurs pour les musiciens :

1. Gérer les retours (monitoring)

La fonction numéro un dans un groupe : chaque musicien réclame son propre mix. Par exemple, le chanteur souhaite s’entendre plus fort dans son « wedge » que la basse, tandis que le batteur priorise la basse et le clic, et le guitariste cherche à y glisser une touche de sa reverb.

  • Un AUX par retour de scène : chaque musicien bénéficie de sa propre sortie personnalisée
  • Gestion du volume individuel : aucun instrument n'écrase le reste
  • Préservation de la dynamique et du confort de jeu
  • Anticipation des larsens : des AUX bien gérés permettent un retour plus précis, donc moins de risques de feedback.

Selon l’étude Shure (2022), un groupe typique de 5 membres utilise en moyenne 4 à 6 AUX en configuration retour, selon que l’on opte pour wedges (retours au sol) ou ears (in-ear monitors).

2. Envoyer des effets (FX) de manière sous-mixée

Envoyer un signal envoyé vers un rack d’effets externe – reverb, delay, chorus – via l’envoi AUX, puis réceptionner le signal traité sur une tranche retour dédiée (“FX Return”, “Aux Return”). Cela évite de sacrifier l’intégralité du mix à une reverb notamment.

  • Gestion de plusieurs types d’effets en simultané
  • Dosage individuel pour chaque instrument sur chaque effet

Point intéressant : une console comme la Soundcraft Si Expression peut gérer jusqu’à 20 bus d’effets, et les tables numériques haut de gamme dépassent cette capacité selon le nombre d’AUX disponibles et le routing intégré.

3. Diffusion vers d’autres espaces ou enregistrement multipiste

  • Sous-mix vers la vidéo live streaming (créer un mix différent pour le live que pour l’ingénieur façade)
  • Diffusion dans des pièces annexes (espace VIP, salle de repos artistes, etc.)
  • Envoi "clean" pour enregistrement multipiste

Chaque AUX ouvre une fenêtre vers un usage supplémentaire, sans toucher au mix principal.

Pre-Fader, Post-Fader : le détail qui change tout

La majorité des tables permet de choisir si l’AUX est en Pre-Fader (avant le fader : toute modification du volume principal ne modifie pas le retour du musicien) ou Post-Fader (après le fader : le retour change avec le volume de la façade). Pour les retours de scène, le Pre-Fader est généralement recommandé.

À noter qu’il s’agit d’une source de confusion pour de nombreux débutants : mal réglé, un changement de niveau en façade peut impacter tout le monitoring, au risque de déstabiliser les musiciens sur scène.

Erreurs fréquentes et astuces pros pour optimiser ses AUX

  • Oublier l’équilibrage Pre/Post : Un classique. Toujours vérifier la position Pre/Post pour chaque AUX.
  • Suralimenter le bus retour : Trop de signaux dans un seul AUX génèrent un "mur de son" illisible pour l’artiste – mieux vaut envoyer le minimum vital dans chaque retour.
  • Contrôler la polarité et les câblages : En live, une inversion de phase sur une sortie AUX sème la zizanie dans les retours.
  • Exploiter les fonctionnalités des numériques : Groupes DCA/VCA, visualisation du routing, réglages mémoire par scène (Yamaha CL, Behringer X32). Comparez : une X32 embarque 8 AUX standard plus 6 Bus FX – soit de quoi gérer pratiquement n’importe quelle formation.

Selon ProSoundWeb, 30% des incidents techniques sur scène proviennent d’une mauvaise gestion des AUX – l’habitude de prendre son temps sur la configuration permet de limiter les imprévus !

Configuration type en live pour un groupe

Rôle/MusicienNombre d'AUX recommandésType de monitoring
Chanteur(se)1Wedge ou in-ear personnalisé
Guitariste1Wedge ou in-ear
Bassiste1Wedge ou in-ear, basse et batterie en priorité
Batteur1In-ear avec clic, basse et voix
Tous (sous-mix général)1Moniteur d’appoint, chef d’orchestre, etc.

Évidemment, ces chiffres peuvent vite grimper pour des formations plus complexes ou si chaque musicien désire un retour ultra-personnalisé.

L’importance des AUX dans le workflow d’un groupe moderne

Difficile aujourd’hui d’imaginer une scène professionnelle sans une utilisation pointue des sorties auxiliaires. Non seulement elles garantissent le confort des musiciens, mais elles offrent aussi une flexibilité précieuse à l’ingénieur du son, capable de s’adapter aux imprévus en un clin d’œil.

  • Gestion des demandes de dernière minute (ajout d’un line check, adaptation à une salle réverbérante)
  • Rappels instantanés des mix AUX grâce aux mémoires sur consoles numériques
  • Possibilité d’adapter l’expérience live pour chaque artiste, même lors de festivals multi-groupes

C’est d’ailleurs dans cette mobilité et cette modularité que les musicales d’aujourd’hui trouvent leur véritable identité sonore. “Un bon retour, c’est la moitié de la prestation réussie”, pour reprendre un adage courant dans le métier.

Pistes pour aller plus loin avec les AUX

L’utilisation des sorties auxiliaires ne cesse de se perfectionner grâce à l’évolution des outils numériques. Nombreux sont les groupes à piloter eux-mêmes, depuis leur smartphone ou tablette (via des apps comme Mackie Master Fader, X32-Q, MonitorMix), leur propre mix AUX, libérant ainsi l’ingénieur façade pour d’autres tâches. Cette pratique croît, selon Digital Trends, de 10% par an depuis 2020, signalant la prise de pouvoir technologique des musiciens eux-mêmes.

Maîtriser les AUX, c’est aussi s’ouvrir aux nouveaux formats de diffusion, comme le son immersif sur scène (spatialisation/diffusion multicanal), ou à la gestion simultanée d’un enregistrement studio live et d’une prestation publique.

En somme, comprendre et exploiter à fond le potentiel des sorties auxiliaires sur une table de mixage, c’est plus qu’un atout technique : c’est un levier pour booster la qualité artistique, la confiance et la communication au sein du groupe, tout en anticipant les exigences croissantes de la scène moderne.

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