Pourquoi vouloir brancher plusieurs microphones ? Applications et enjeux

Que ce soit lors d’un concert live, d’un podcast, d’une conférence ou d’un enregistrement en studio, savoir gérer plusieurs microphones sur une seule table de mixage est un incontournable du monde de l’audio. Cette configuration s’impose dès qu’il faut jongler avec plusieurs intervenants : musiciens, chanteurs, animateurs ou intervenants. D’après Shure, leader mondial du micro, 80 % des événements professionnels utilisent simultanément plus de deux microphones pour garantir une restitution optimale des voix et des ambiances (source Shure).

Mais chaque micro supplémentaire, s’il multiplie les possibilités, décuple aussi la complexité : effets de larsen, gestion des volumes, égalisation, risques de phase ou d’interférences… Voilà pourquoi une bonne préparation technique et une approche méthodique font la différence.

Comprendre sa table de mixage : éléments essentiels avant de brancher

Avant de connecter plusieurs microphones, il faut décoder l’architecture de sa table de mixage. Même une table peu onéreuse est généralement équipée de 2 à 8 entrées micros XLR (certaines analogiques pros vont jusqu’à 32). Voici les éléments à ne jamais négliger :

  • Entrées XLR ou Jack : Privilégiez toujours les entrées XLR pour les microphones dynamiques ou statiques, car elles assurent la symétrie du signal et donc moins de parasites.
  • Bouton Gain / Trim : Contrôle le niveau d’entrée ; indispensable pour éviter la saturation ou un volume trop faible.
  • Alimentation fantôme (48 V) : Requiert d’être activée uniquement pour les microphones à condensateur et jamais pour des micros dynamiques classiques sous peine d’endommager le matériel.
  • Égalisation (EQ) : Permet le traitement fréquence par fréquence de chaque micro indépendamment : très utile pour gommer des graves indésirables ou adoucir un aigu trop agressif.
  • Fader et potentiomètres : Ils règlent le volume final de chaque canal micro en temps réel.
  • Sorties auxiliaires / monitor : Cruciales pour créer des retours personnalisables, notamment pour les musiciens ou speakers (afin d’éviter l’effet Larsen sur scène).

Une table rackée numérique actuelle (Yamaha, Soundcraft, Allen & Heath) permet aussi de sauvegarder des presets : un atout de productivité lorsque les mêmes configurations micro sont réutilisées de répétition en live.

Brancher plusieurs microphones : méthodes, câblage et astuces de pro

Étape 1 : Sélectionner le bon type de micro selon le contexte

  • Microphones dynamiques : Idéal pour les voix chantées ou parlées à fort niveau (live rock, conférences), ils encaissent de grosses pressions acoustiques.
  • Microphones statiques / à condensateur : Plus sensibles, réservés à la captation détaillée (studio, voix douces, instruments acoustiques) ; ils nécessitent l’alimentation fantôme.

L’astuce pros : veiller à respecter l’ordre d’importance de chaque voix/intervenant lors de l’affectation aux canaux, pour retrouver rapidement les réglages lors d’un changement de scène ou d’animateur.

Étape 2 : Câblage et check technique

  1. Utilisez des câbles XLR de qualité (blindés), longueur minimale : moins de 10 mètres pour minimiser les pertes de signal et les bruits parasites.
  2. Déroulez chaque câble, connectez-le à l’entrée de la table (en respectant l’indication CH1, CH2, etc.).
  3. S’il s’agit d’un micro statique, activez l’alimentation fantôme sur la tranche correspondante.
  4. Effectuez un soundcheck un à un : parlez ou chantez devant chaque micro, réglez le gain pour qu’il atteigne un niveau optimal sans clipper (témoin de signal sur la table).

À retenir : Ne jamais brancher/débrancher un microphone alors que l’alimentation fantôme est activée, sous peine d’endommager le micro ou d’émettre un “pop” dangereux pour les enceintes.

Réglage des niveaux et équilibrage sonore : une question d’écoute

Une fois tous les microphones câblés, place à l’art du mixage : trouver l’équilibre qui donne de la place à chaque voix. La principale erreur, selon la revue Sound On Sound, reste de monter tous les gains à un niveau semblable : on risque alors une “boue sonore” ingérable.

  • Commencez par régler l’un des micros à volume de référence.
  • Ajoutez progressivement les autres, ajustez leur gain, puis utilisez l’EQ pour éviter les recouvrements de fréquences (par exemple, atténuer les basses sur les micros de voix secondaires).
  • Surveillez les indicateurs de niveau (de préférence entre -6dB et 0dB, afin d’éviter toute distorsion numérique).

Astuce d’ingénieur : Si plusieurs micros captent des sources proches (ex : deux animateurs côte à côte), pensez à légèrement panorer les signaux à gauche/droite pour aérer le rendu final.

Eviter les problèmes courants : larsen, phase, diaphonie…

Le principal ennemi de la gestion multi-microphones reste le Larsen : ce sifflement désagréable qui surgit dès qu’un micro "réentend" le son produit par les enceintes. D’après Rode Microphones, près de 70% des ratés sur scène viennent d’une mauvaise gestion des retours et des micros (source Rode).

  • Placement des micros : Ne jamais pointer un micro vers une enceinte ou un retour.
  • EQ coupe-bas : Activez les filtres passe-haut sur chaque canal voix pour limiter les fréquences graves indésirables (souffles, coups de pied sur scène).
  • Contrôle phase : Si deux micros captent le même signal avec une différence de distance, ils peuvent se mettre "hors phase" et s’annuler partiellement (effet creux). Inverser la phase sur l’un des canaux peut restaurer la présence du signal.
  • Réglage des volumes de retour : Maintenez les retours à un niveau raisonnable, privilégiez des in-ear monitors si possible.

Un truc de sound engineer : demandez toujours à chaque intervenant de parler dans son micro pendant le soundcheck, pour repérer à l’oreille tout début de sifflement ou de "brouillard sonore".

Gestion dynamique : compresseurs, gates, effets sur les voix multiples

Avec plusieurs micros actifs en même temps, il devient difficile d’obtenir de la clarté. Un compresseur par canal permet de niveler les écarts de volume : il limite les "pics" trop forts et remonte les passages faibles. Certaines tables de mixage disposent d’un compresseur intégré sur chaque tranche (ex : Yamaha MG10XU).

La gate (ou noise gate) ferme la canalisation d’un micro quand personne ne parle dessus, ce qui réduit le bruit de fond capté par d’autres micros ouverts.

  • Réglez la seuil de déclenchement du gate juste au-dessus du bruit ambiant pour éviter les coupures intempestives sur les voix basses.
  • Faites attention à la réactivité de la gate : trop lente, elle coupe le début de phrase ; trop rapide, elle donne un effet artificiel.
  • Utilisez la réverbe ou le delay avec parcimonie : une petite dose sur le bus général peut homogénéiser l’ensemble, mais un excès crée de la confusion.

Les modèles de tables numériques récentes (par ex : Presonus StudioLive, Allen & Heath SQ) permettent même d’automatiser ces réglages sur chaque scène, ce qui accélère les enchaînements entre groupes ou intervenants.

Situations concrètes : exemples de configurations à connaître

Situation Nombre de micros Gestion spécifique
Podcast à 3 voix 3 Chaque micro sur une entrée dédiée, égalisation légère pour chaque voix ; gate sur chaque piste pour limiter bruits parasites ; retour casque individuel.
Chorale live 6 à 12 Micros statiques en couple stéréo pour le chœur, dynamiques pour les solistes ; priorité à la gestion des retours pour éviter Larsen ; panoramique stéréo pour aération.
Conférence / panel 4 Micros dynamiques ou col-de-cygne ; activation gate et compresseur ; ajustement des gains selon la puissance de chaque orateur.

Bonnes pratiques et checklist avant un événement 

  • Vérifiez chaque câble : si possible, testez-les avec un multimètre pour éviter tout faux contact le jour J.
  • Marquez chaque micro et chaque entrée sur la table : un simple bout de gaffer coloré peut sauver d’une énorme confusion en live.
  • Gardez toujours une tolérance de gain de secours (pas de niveau à fond dès le début) : gardez du “headroom” pour faire face aux imprévus (voix qui porte beaucoup, ambiance de salle bruyante…).
  • Préparez un micro de rechange branché sur une entrée inactive, prêt à servir.
  • Réalisez une balance complète avec tous les micros ouverts pour anticiper les interactions inattendues (effet de proximité, bruit de fond, ergonomie sur scène, etc.).

Pour aller plus loin : la place du multi-microphones dans le mixage moderne

Dans une ère où les performances alternent entre scène et web (streaming, live YouTube, concerts en home-studio…), savoir gérer efficacement plusieurs microphones est devenu essentiel. Les évolutions de la technologie audio (DSP automatisés, contrôle via tablette ou smartphone, gestion de presets par cloud) facilitent la tâche, mais l’oreille reste souveraine.

Chaque événement a ses défis, mais la maîtrise du multi-microphones sur une table de mixage est la clé pour garantir un mix qui "passe la rampe" aussi bien auprès du public que des participants. Les professionnels du son investissent dans la préparation et l’écoute : deux ingrédients qui ne vieilliront jamais, quel que soit le matériel utilisé.

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